Depuis longtemps déjà, il est convenu de présenter Molière comme le chantre, au milieu du XVIIe siècle, de la bourgeoisie et des valeurs bourgeoises, comme le défenseur du bon sens et d'une morale du juste milieu contre tous les défauts de l'aristocratie : mensonge, hypocrisie, préciosité ridicule.
Or, si l'on veut bien considérer l'œuvre de Molière dans sa totalité, et non point en extraire quelques pièces judicieusement choisies pour pouvoir servir à la démonstration, on s'aperçoit au contraire que Molière est d'abord un poète de la noblesse – noblesse de la condition, noblesse des sentiments, et de l'expression.
Devant l'aristocratie, la bourgeoisie ne doit que rester à sa place, et ce qui est en fait le ridicule, c'est de vouloir singer une caste à laquelle elle ne peut légitimement prétendre. Le bon sens bourgeois de Molière, ce n'est jamais que ce jugement : que les Bourgeois admettent de n'être que des bourgeois avec tous les empêchements que cela représente.
C'est à une relecture radicale de Molière que nous sommes ainsi conviés, où l'on découvre aussi tout à coup, un grand poète précieux et, à certains égards, un libertin avant l'heure.